Voici un retour d'expérience détaillant la construction d'un four, principalement à pizza mais aussi à pain, tarte, ...
La construction est en deux parties: d'abord la sole (la partie horizontale sur laquelle on fait le feu et on pose ce qui est à cuire) et la voûte.
Tout d'abord il faut choisir un endroit assez costaud pour supporter le poids du four. Il se trouve qu'il y avait déjà, contre un mur d'une grange, une dalle de perron posée sur deux jambages. Elle était déjà là quand nous nous sommes installés, donc bien ancrée, bien stable et bien horizontale, et surtout bien résistante (en pierre, plus de 10cm d'épaisseur). Nous avions déjà fait la terrasse autour, en prévision de la construction du four. Et puis il était impossible de la déplacer sans engin.
Si on n'a pas la chance d'avoir ce genre de support déjà en place, il est possible de construire son propre support, on trouvera de multiples exemples sur internet.
Nous réalisons la sole en mai. Nous utilisons classiquement des briques réfractaires en terre cuite. Des briques réfractaires spéciales pour pouvoir être en contact avec la nourriture doivent être utilisées, car des briques réfractaires de base peuvent contenir des additifs qui pourraient se retrouver dans notre assiette.
Créer la sole consiste à fixer les briques de façon à former une surface plane. Avant cela, nous fabriquons un cadre (en planches de douglas) et posons deux poteaux (chevrons en douglas). Les poteaux serviront pour la structure de protection, et le cadre pour contenir le mortier et accessoirement fixer quelques trucs par la suite (voir plus loin). Le cadre est posé sur la dalle et nous ajoutons quelques vis inox qui le traversent et qui se retrouveront prises dans le mortier, afin de mieux fixer le cadre et éviter qu'il se déforme par la suite.
Ensuite nous posons les briques sur la dalle et traçons un repère sur le cadre pour, une fois qu'il y aura du mortier sur la dalle, savoir où poser la première brique, à l'avant à gauche. Cette première pose permet également de découper les briques (à la meuleuse) qui ne tomberont pas juste dans le cadre. Dans notre cas, ce seront celles au fond du cadre, car la dalle n'est pas rectangulaire et donc pas parallèle au mur. Nous avons de la chance, car en laissant 2cm d'espace de chaque côté des briques, pas besoin d'en découper en largeur.
Détail important: Les briques sont ensuite laissées 24 heures à tremper, pour bien adhérer au mortier.
L'étape suivante consiste à poser les briques les unes contre les autres (comme lors du test), sur un lit de mortier pour les fixer. Nous utilisons un mortier composé de 2 volumes de sable 0-4 pour 1 volume de chaux hydraulique NHL 3.5, en évitant de mettre trop d'eau pour ne pas qu'il soit trop liquide.
Un niveau d'1 mètre de long se révèle bien pratique pour ajuster les briques au niveau du haut des bords du cadre (qui fait moins d'1 mètre de large). Un maillet en caoutchouc permet de tapoter les briques pour les enfoncer comme il faut. Pour permettre de facilement glisser la pelle à pizza, nous avions lu sur un forum qu'il est judicieux que le bord arrière d'une brique soit un chouia plus haut que le bord avant de la suivante, et surtout pas le contraire sinon la pelle buterait sans cesse lors de l'enfournement. C'est ce que nous faisons et en effet cela s'avérera bien utile.
Pas besoin de remplir les joints entre les briques, il seront comblés rapidement par la cendre et la farine. Un petit coup d'éponge vinaigrée après la pose permet de nettoyer les briques et de bien enlever la chaux déposée en les manipulant.
Nous comblons cependant les 2cm de chaque côté entre les briques et le cadre, ainsi qu'entre les briques du fond et l'arrière du cadre.
Il ne reste plus qu'à mettre une bâche pour que le mortier de chaux ne sèche pas trop vite.
Pour éviter à la voûte d'être exposée au soleil, au vent et à la pluie, nous construisons une ébauche du futur toit, qui permet également de facilement mettre une bâche sans qu'elle ne touche la voûte. Nous avons également une voile d'ombrage qui nous protège en partie ainsi que le chantier.
Le toit est en chevrons de douglas, comme les poteaux, avec fixation sur le mur (chevilles de 20cm de long). Des chutes de sous-toiture sont ajoutées pour l'instant.
Pour la voûte, une première tentative a complètement foiré (voir détails). Nous oublions cette malheureuse histoire et recommençons avec une méthode plus conventionnelle, à savoir l'utilisation d'une forme en sable humide sur laquelle nous allons monter la voûte. Nous nous inspirons de cet article.
Notre voûte sera constituée de trois couches, de l'intérieur vers l'extérieur:
- la première, en terre + sable + chaux, permettra d'emmagasiner la chaleur tout en étant solide,
- la seconde, en vermiculite + chaux, jouera le rôle d'isolant,
- la troisième, en chaux aérienne + sable + pigments, sera décorative et protégera des intempéries.
En juin et juillet, nous faisons des tests de proportions pour les mélanges des première et deuxième couches, pour réaliser la voûte en août.
La création de la forme en sable ne pose pas de problème, il faut juste faire les gabarits qui vont bien et avoir assez de sable, en calculant le volume intérieur (donc volume d'une demi-sphère + d'un demi cylindre pour l'avancée de la porte). Il suffit d'humidier le sable et de faire un gros pâté, en utilisant les gabarits pour obtenir la forme voulue. Attention, pour la taille de la forme, qui représente l'intérieur du four, il faut prendre en compte l'épaisseur des différentes couches de la voûte, y compris sur les côtés. Avec une vingtaine de centimètres prévus en épaisseur au final, le diamètre intérieur du four était assez contraint, environ 70cm, donc assez pour deux pizzas 🙂.
Il ne faut pas hésiter à bien tasser le sable car tout va reposer sur lui le temps de monter la voûte.
L'étape suivante consiste à coller quelques couches de papier journal bien humide sur la forme en sable, histoire d'éviter de lier la première couche avec le sable de la forme:
On attaque ensuite la première couche. L'idée de départ était d'utiliser de la terre et du sable seulement, mais en cas de séchage complet, il y avait un risque que tout se délite, puisque c'est l'eau qui fait le lien dans ce cas. Nous avons donc ajouté un peu de chaux, qui remplace l'eau pour faire le lien. Il est recommandé de faire quelque tests pour trouver le bon dosage entre chaux, sable et terre. Au final, nous utilisons un mélange composé d'1 volume de terre et 2 volumes de sable 0-4, auquel nous ajoutons 1/6 du volume total de chaux NHL 3,5. Par exemple: 1 litre de terre, 2 litres de sable et 0,5 litre de chaux.
La terre que nous avons utilisée provient de briques de terre crue dont un ami se séparait et que nous avons réduites en miettes à coups de massette et tamisée.
Nous faisons le mélange dans des bacs en plastique de 40 litres. Notre perceuse munie d'un mélangeur a commencé à fumer et nous avons fini de mélanger à la main + truelle 🙂. Ne pas faire toute la quantité de mélange d'un coup permet d'être plus cool sur le rythme, sans stress en craignant que le mélange prenne avant d'être posé.
Nous montons la voûte d'une épaisseur d'une dizaine de centimètres (la largeur du poing, en gros), en tassant bien. La difficulté réside dans le fait de maintenir une épaisseur constante en suivant la courbe de la demi-sphère. Autant l'avouer, notre demi-sphère s'est un peu ovalisée pendant l'opération.
Nous utiliser un bocal du diamètre du futur conduit (ou un peu plus) pour pouvoir glisser plus tard ce dernier en guise de cheminée.
Nous refaisons du mélange et continuons ainsi jusqu'à obtenir notre première couche:
Avant qu'elle sèche, nous faisons quelques entailles, histoire de favoriser l'accroche de la couche suivante.
Pour la seconde couche, là encore quelques tests ont été nécessaires pour trouver le bon dosage vermiculite-chaux. La vermiculite a tendance à retenir l'eau, ce qui permet une prise pas trop rapide de la chaux. Cette page indique un ratio de 5:1 entre vermiculite et ciment, et sur celle-là, la même proportion est indiquée, pouvant monter jusqu'à 7:1 ou 8:1.
Après quelques essais, nous nous lançons avec environ 6 volumes1 de vermiculite pour 1 volume de chaux NHL 3,5, avec de l'eau pour avoir une consistance applicable, surtout pas trop liquide. La vermiculite boit beaucoup ! Lors de l'application de cette seconde couche, inutile de tasser, cela écrase la vermiculite et rend le tout moins isolant. Là encore, il faut faire attention à conserver une épaisseur constante.
Environ 2 semaines plus tard, le temps que tout ça sèche, le sable est enlevé progressivement.
Fin août et début septembre, nous allumons des petits feux, histoire d'accélérer le séchage. Le papier journal qui reste est brûlé par la même occasion. Les feux sont de plus en plus forts et longs.
Avant d'appliquer la troisième couche, de finition, nous préférons voir si tout se passe bien. Première pizza mi-septembre. Un peu trop de braises et la gouttière, pas vraiment prévue pour de telles chaleurs, a commencé à fondre... Mais la pizza était bonne !
Au passage, nous posons des fixations pour gaines électriques qui restaient d'un chantier précédent, elles sont parfaitement adaptées pour maintenir les instruments du pizzaiolo: pelles, balayette et crochet.
Après un certain délai de livraison, nous recevons le conduit en inox; c'est un conduit de gainage qui fera l'affaire. Nous le passons au travers de la tuile douille et dans le trou de la cheminée. Il est assez souple pour pouvoir glisser la sortie sous le débord de toit quand il ne sert pas, afin d'éviter que l'eau de rentre dans le four quand il pleut. Le toit n'attendait plus que lui. La partie sous le toit servira à entreposer du petit bois (et deviendra rapidement une cachette appréciée des chats!).
Début octobre, satisfaits et surtout rassurés quant au fait que le four ait bien tenu, nous réalisons la dernière couche, servant à protéger et décorer.
D'abord un gobetis aux proportions d'1,8 litre de sable pour 1 litre de NHL 3.5, servant de couche d'accroche pour l'enduit final et permettant de gommer les aspérités de la vermiculite. L'épaisseur est de moins d'1 cm. Attention à faire en sorte que la partie frontale du four soit bien droite pour qu'une porte puisse bien fermer l'ouverture.
Deux jours plus tard, l'enduit final est réalisé. D'abord avec une couche de 2 volumes de sable 0-2 pour 1 volume de chaux aérienne CL90. A fresco, une eau forte est ensuite appliquée en trois couches (verticale, horizontale, verticale), composée d'1 volume de CL90, 5 volumes d'eau et 35% du poids de la chaux en pigments (maximum indiqué dans la littérature).
Nous ajoutons deux panneaux amovibles pour protéger le four en hiver.
Au printemps suivant, l'enduit de finition s'est bien éclairci. Il présente aussi quelques fissures notamment quand on chauffe beaucoup, mais c'est surtout en surface2. Il manquait une photo de la porte, la voici, très rustique, fixéée avec des chaines de lustres un peu longues et qui ont trouvé un emploi ici. Si on chauffe trop fort et trop longtemps, la porte peut cramer, il faudrait en mettre une en fonte à l'occasion. La porte repose simplement sur le bord du cadre et est plaquée contre l'entrée par la tension des chaînes. On peut facilement agir sur les chaînes pour maintenir la porte légèrement soulevée d'un côté, histoire d'apporter de l'air au feu au ras de la sole.
Le four remplit son office et est encore là deux ans après sa construction. La partie la plus longue a sans doute été l'élaboration des recettes terre-sable-chaux et vermiculite-chaux pour la voûte. Les étapes peuvent se faire sans trop de stress ni précipitation. La plus grande crainte résidait dans la solidité et la tenue au feu.
A l'usage, un tel four à bois demande un peu d'apprentissage. On fait le feu au milieu du four, voire un peu vers l'entrée au début pour le lancer. Quand il est assez chaud (on peut se procurer une sonde thermomètre, à mettre près de la paroi, mais il faut un peu d'expérience propre à son four), on repousse les braises vers le fond et on peut cuire les pizzas sur la sole directement, là où se trouvait le feu. Ce mode de cuisson ne nécessite pas une chauffe très longue avant la cuisson (environ 1h30 pour des pizzas). On peut également ramener le feu au milieu et le relancer entre deux tournées de pizzas si c'est un peu juste.
Pour d'autres cuissons, comme le pain, il faut chauffer plus fort et plus longtemps, d'où une première porte en bois cramée ! 🙂 Normalement cela permet de cuire du pain puis d'autres plats triés en ordre décroissant de besoin de chaleur: pizza, tartes, compotes, ... Enfin, attention aussi s'il reste trop de braises, leur rayonnement aura vite fait de brûler les aliments, sauf à les protéger (papier alu, par exemple, mais bon). On peut aussi mettre les aliments plus près de la porte et les tourner régulièrement. Bref, il nous reste pas mal d'expériences à faire.
Dans tous les cas, cette construction n'est pas très difficile et les matériaux sont abordables, le plus cher étant ici le conduit (60€ avec le port), les tuiles si on n'en a pas, dont la tuile douille et... les instruments du pizzaiolo ! Les bois étaient des restes de chantiers précédents.
Dernier point: au printemps, il vaut mieux faire quelques petits feux de plus en plus forts et longs pour sécher le four après la période hivernale («dérhumage»).
La première tentative de construction de voûte s'inspirait de cet article. après construction du gabarit et pose du mélange chaux-sable, le moment délicat a été le déplacement de la voûte d'un seul bloc: elle était très lourde (il a fallu quatre personnes), mais surtout très fragile, sans doute par manque d'épaisseur et ensuite parce que c'était de la chaux et non du ciment. Bref, toute la structure s'est cassée avant d'arriver sur place. C'est peut-être un mal pour un bien, la seconde technique décrite ci-dessus a très bien fonctionné.